Frédéric Joignot
Debris lines the streets of Tacloban, Leyte island. This region was the worst affected by the typhoon, causing widespread damage and loss of life. Caritas is responding by distributing food, shelter, hygiene kits and cooking utensils. (Photo: Eoghan Rice - Trócaire / Caritas).
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Les responsables profitent du vandalisme de la faim pour justifier leur mauvaise volonté à secourir ces populations et même pour déplacer les pauvres et récupérer leur terrain.
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Ainsi se comprend mieux la lenteur des pays du Nord, favorisés, préservés et bien nourris, à vouloir changer leur mode de vie.
Ces études ont mené de nombreux chercheurs, des scientifiques, des ONG à parler d’une profonde “injustice environnementale et climatique.”
Ce domaine de recherche est désormais très labouré, la liste des essais et des recherches l’abordant s’allonge: deux économistes de l’université de Berkeley (Californie), Richard Norgaard et Thara Srinivasan, avaient marqué les esprits en 2007 en co-dirigeant une étude qui a fait date: les pays riches ont “une dette écologique de 2.300 milliards de dollars” envers les pays pauvres – un montant supérieur à la dette du tiers-monde, à l’époque évaluée à 1.800 milliards de dollars.
Avançant que les nations riches se sont en partie développées “au détriment des pauvres”, voyant même là “une des raisons pour lesquelles elles étaient pauvres.” Ils sont arrivés à ce chiffre colossal en évaluant les seuls dommages causés par l’altération de la couche d’ozone, la désertification, la déforestation, la surpèche et la destruction des mangroves. Fin 2016, l’ONG américaine Environnemental Law Institute a publié une somme sur des cas frappants d’injustice climatique: Climate Justice. Case Studies in Global and Regional Governance Challenges (“Justice climatique. Cas d’école de défis de gouvernance mondiale et régionale”, non traduit).
Ce constat d’injustice climatique a des répercussions internationales graves, notamment sur la fragilité actuelle des accords mondiaux sur le réchauffement, comme le démontre le sociologue américain J. T. Roberts dans A Climate of Injustice (“Un climat d’injustice”, MIT Press, 2006, non traduit). S’ils n’arrêteraient bien sûr pas les catastrophes, les transferts de richesse du nord vers le Sud permettraient au moins d’égaliser les conditions de ceux qui s’y préparent et les subissent. Voltaire le suggérait dans son Poème sur le désastre de Lisbonne (1756): les catastrophes naturelles sont de grands critiques de philosophie politique.
“Les tristes habitants de ces bords désolés; Dans l’horreur des tourments seraient-ils consolés; Si quelqu’un leur disait: “Tombez, mourez tranquilles; Pour le bonheur du monde on détruit vos asiles; D’autres mains vont bâtir vos palais embrasés, D’autres peuples naîtront dans vos murs écrasés; Le Nord va s’enrichir de vos pertes fatales; Tous vos maux sont un bien dans les lois générales; Dieu vous voit du même œil que les vils vermisseaux; Dont vous serez la proie au fond de vos tombeaux?” ■
*John Mutter. The Disasters Profiteers. How Natural Disasters Make the Richer and the Poor Even Poorer (“Profiteurs du désastre. Comment les catastrophes naturelles enrichissent les riches et appauvrissent encore les pauvres.”, Palgrave Macmillan, 2015, (non traduit).
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Frédéric Joignot, journaliste, romancier, essayiste. Dernier ouvrage: L’Art de la ruse (Tohu Bohu, 2018).
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