AIR POLLUÉ = DÉCLIN COGNITIF
AIR POLLUÉ = DÉCLIN COGNITIF
Smog over Almaty City, Kazakhstan. 12 Janvier 2014.
Photo: Igors Jefimovs.
Le 16 septembre 2020, par une chaude journée d’été indien, j’ai consulté AirParif, le laboratoire qui analyse l’état de l’air sur la capitale. L’indice de pollution était jaune, c’est-à-dire “moyen” sur une échelle qui va du bleu (très faible) au rouge sang (très élevé). La présence de particules fines nocives (PM10) était estimée à 62 g/3, soit plus du double de la valeur guide d’un air acceptable: 30 g/m3. Rien d’étonnant à cela: le 17 mai 2018 déjà, la Commission européenne avait envoyé la France devant la Cour de justice de l’Union européenne pour non-respect des normes de qualité de l’air parisien. Les PM10 et le NO2, les gaz émis par les moteurs diesel, étaient incriminés. Cette pollution de l’air n’est pas sans conséquences. Des toutes sortes. Médicales bien sûr. Concernant notre bien-être. Mais attendez... C’est plus grave encore... Le 24 septembre 2018, dans The Guardian, l’essayiste britannique James Bridle, auteur de New Dark Age. Technology and the End of the Future (Verso, 304 p., non traduit), recensait plusieurs études scientifiques corrélant le taux de CO2, air pollué et… un probable déclin cognitif humain.
Selon une étude du 27 août 2018 de la National Academy of Sciences américaine, The impact of exposure to air pollution on cognitive performance, les niveaux élevés de pollution atmosphérique – CO2, particules fines, pesticides – entraînent une baisse patente des résultats “aux tests verbaux” et “mathématiques.” L’étude précise encore: “Les dommages causés au cerveau vieillissant par la pollution de l’air entraînent probablement des coûts sanitaires et économiques substantiels, étant donné que le fonctionnement cognitif est essenttiel pour les personnes âgées à la fois pour faire leurs courses quotidiennes et prendre des décisions importantes.” Une autre étude, danoise, du 5 novembre 2015, The effects of bedroom in quality on sleep and next-day performance (National Library of Medecine) rapporte que des personnes dormant dans des chambres où la teneur en CO2 dépasse 2000 parties par millions (ppm) – courant dans les bureaux en Europe – présentent des états de somnolence, une concentration affaiblie et moins de facilité aux tests logiques.
Le 4 avril 2015, une étude de l’Institut national des sciences de la santé environnementale américain (NIH), A controlled exposure study of green and conventionnel office environments nous apprend que sur 24 personnes placées six jours, de neuf heures à dix-sept heures, dans trois bureaux distincts – présentant 550, 945 et 1400 ppm de CO2 –, les employés du premier ont montré “des facultés d’utiliser les informations, de réagir aux crises et d’élaborer des stratégies” de 15% à 50% supérieures à ceux des deux autres groupes.
Toutes ces études ne lassent pas d’inquiéter, quand on sait que 400 ppm sont considérées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme un taux élevé de CO2 en extérieur, et que 55% de l’humanité vit dans des grandes villes où la qualité de l’air est dégradée. D’après le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), même si nous atteignions les objectifs bas carbone fixés en 2015 par la COP21 (un rêve déjà oublié), nous aurons un taux moyen de 660 ppm de CO2 urbain d’ici à 2050 – soit bien supérieur aux normes de santé émises par l’OMS. Or, d’après autre une étude de décembre 2012 du Centre national sur l’information des biotechnologies américain, Is CO2 and indoor pollutant? Direct effects of low-moderate CO2 concentrations on human decision-making performance, les “performances décisionnelles” des humains faiblissent dans les six premières échelles de performance quand ils sont soumis à un taux de CO2 de 600 à 1000 ppm, et dans les sept premières à plus de 2000 ppm de CO2. Conclusion sèche de l’étude: “Les effets négatifs directs du CO2 sur les performances humaines peuvent être économiquement importants et engagent à limiter les réductions d’économie d’énergie de la ventilation de l’air extérieur par personne dans les bâtiments.”
L’essayiste James Bridle qui a collecté toutes ces désolantes études conclut son article de The Guardian avec un humour tout britannique: “C’est peut-être l’ironie tragique de toute cette histoire (…), les émissions facilitant le changement climatique amoindrissent notre capacité de réflexion, alors que nous avons besoin d’idées nouvelles et audacieuses pour en atténuer les effets...” ■
La rédaction de Ravages.
Le 16 septembre 2020, par une chaude journée d’été indien, j’ai consulté AirParif, le laboratoire qui analyse l’état de l’air sur la capitale. L’indice de pollution était jaune, c’est-à-dire “moyen” sur une échelle qui va du bleu (très faible) au rouge sang (très élevé). La présence de particules fines nocives (PM10) était estimée à 62 g/3, soit plus du double de la valeur guide d’un air acceptable: 30 g/m3. Rien d’étonnant à cela: le 17 mai 2018 déjà, la Commission européenne avait envoyé la France devant la Cour de justice de l’Union européenne pour non-respect des normes de qualité de l’air parisien. Les PM10 et le NO2, les gaz émis par les moteurs diesel, étaient incriminés. Cette pollution de l’air n’est pas sans conséquences. Des toutes sortes. Médicales bien sûr. Concernant notre bien-être. Mais attendez... C’est plus grave encore... Le 24 septembre 2018, dans The Guardian, l’essayiste britannique James Bridle, auteur de New Dark Age. Technology and the End of the Future (Verso, 304 p., non traduit), recensait plusieurs études scientifiques corrélant le taux de CO2, air pollué et… un probable déclin cognitif humain.
Selon une étude du 27 août 2018 de la National Academy of Sciences américaine, The impact of exposure to air pollution on cognitive performance, les niveaux élevés de pollution atmosphérique – CO2, particules fines, pesticides – entraînent une baisse patente des résultats “aux tests verbaux” et “mathématiques.” L’étude précise encore: “Les dommages causés au cerveau vieillissant par la pollution de l’air entraînent probablement des coûts sanitaires et économiques substantiels, étant donné que le fonctionnement cognitif est essenttiel pour les personnes âgées à la fois pour faire leurs courses quotidiennes et prendre des décisions importantes.” Une autre étude, danoise, du 5 novembre 2015, The effects of bedroom in quality on sleep and next-day performance (National Library of Medecine) rapporte que des personnes dormant dans des chambres où la teneur en CO2 dépasse 2000 parties par millions (ppm) – courant dans les bureaux en Europe – présentent des états de somnolence, une concentration affaiblie et moins de facilité aux tests logiques.
Le 4 avril 2015, une étude de l’Institut national des sciences de la santé environnementale américain (NIH), A controlled exposure study of green and conventionnel office environments nous apprend que sur 24 personnes placées six jours, de neuf heures à dix-sept heures, dans trois bureaux distincts – présentant 550, 945 et 1400 ppm de CO2 –, les employés du premier ont montré “des facultés d’utiliser les informations, de réagir aux crises et d’élaborer des stratégies” de 15% à 50% supérieures à ceux des deux autres groupes.
Toutes ces études ne lassent pas d’inquiéter, quand on sait que 400 ppm sont considérées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme un taux élevé de CO2 en extérieur, et que 55% de l’humanité vit dans des grandes villes où la qualité de l’air est dégradée. D’après le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), même si nous atteignions les objectifs bas carbone fixés en 2015 par la COP21 (un rêve déjà oublié), nous aurons un taux moyen de 660 ppm de CO2 urbain d’ici à 2050 – soit bien supérieur aux normes de santé émises par l’OMS. Or, d’après autre une étude de décembre 2012 du Centre national sur l’information des biotechnologies américain, Is CO2 and indoor pollutant? Direct effects of low-moderate CO2 concentrations on human decision-making performance, les “performances décisionnelles” des humains faiblissent dans les six premières échelles de performance quand ils sont soumis à un taux de CO2 de 600 à 1000 ppm, et dans les sept premières à plus de 2000 ppm de CO2. Conclusion sèche de l’étude: “Les effets négatifs directs du CO2 sur les performances humaines peuvent être économiquement importants et engagent à limiter les réductions d’économie d’énergie de la ventilation de l’air extérieur par personne dans les bâtiments.”
L’essayiste James Bridle qui a collecté toutes ces désolantes études conclut son article de The Guardian avec un humour tout britannique: “C’est peut-être l’ironie tragique de toute cette histoire (…), les émissions facilitant le changement climatique amoindrissent notre capacité de réflexion, alors que nous avons besoin d’idées nouvelles et audacieuses pour en atténuer les effets...” ■
La rédaction de Ravages.
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