Patrick Deval
Patrick Deval
William Blake, Tornado-Zeus Battling Typhon, From Erasmus Darwin’s Botanic Garden, 1795. ©The Elisha Whittelsey Collection, The Elisha Whittelsey Fund, 1966. MET Museum.
Longtemps, la puissance et les changements de l’air en mouvement, les vents favorables comme les tempêtes, ont été incarnées par des entités surnaturelles. Les Grecs les attribuaient au dieu Eole, au titan Typhon ou au génie Zéphyr. Puis au IIIe siècle avant J.-C. Aristote écrit son traité “Les Météorologiques” et pose les prémisses de la météorologie.
Avant que leurs philosophes questionnent les phénomènes naturels, les Grecs se contentaient des explications de la mythologie délivrées par leurs rhapsodes inspirés par les Muses. C’était Éole, le gardien des vents qui tenait enfermé dans les grottes des îles éoliennes quatre génies ailés turbulents et volages, attachés aux quatre saisons, soufflant dans les quatre directions de l’univers sur ordre de Zeus.
À l’Ouest au printemps, soupirait le léger Zéphyr, celui qui nous a donné le Zef qui nous rafraichit encore. Au Nord soufflait le froid Borée, fils d’Éos, l’Aurore, qui nous a légué ses aurores boréales, et à l’Est son frère Euros venu d’Asie avec ses tempêtes d’automne, qu’on représentait échevelé.
Du Sud enfin venait Notos, vent chaud et orageux au vase chargé d’eau qui apportait la pluie. Les anciens Grecs connaissaient des vents saisonniers amicaux… et des vents maléfiques de tempêtes. Le roi de ces vents funestes était Typhon, Titan monstrueux, fils de Gaia et de Tartare, élevé à Delphes par le serpent Python, incarné par un vent ravageur à la colère irrépressible. Sa tête touchait les étoiles, ses yeux lançaient des flammes de l’Orient à l’Occident, au bout de ses bras il avait cent têtes de dragons, et le corps entouré de vipères. Typhon attaqua les Olympiens qui s’enfuirent tous sauf Athéna et Zeus. Un combat eut lieu: Typhon réussit à couper les muscles et les tendons de Zeus qu’il ligota dans une peau d’ours et réduisit à l’impuissance. Hermès et Pan parvinrent à libérer le roi des dieux qui finira par enfermer Typhon dans le volcan de l’Etna où il s’agite toujours.
Les Grecs attribuaient à Typhon et à Echidna, sa sœur et sa compagne mi-femme, mi-serpent, une descendance des pires monstres qui peuplaient leur imaginaire, comme le chien Cerbère gardien des enfers, ou l’Hydre de Lerne aux multiples gueules qui fit travailler Héraclès, et Chimère, monstre femelle à tête de lionne et queue de serpent. Du grec antique nous est encore venu Cyclone, Kuklos, le cercle, devenu Ouragan en Amérique, d’après Huruacan le nom donné à ce vent dévastateur par les Indiens Tainos des Caraïbes, adopté dès le XVIe siècle par les Conquistadors espagnols. Bien des peuples baptisèrent leurs vents locaux de noms poétiques. Les vents du désert secs et brûlants, le Chergui, le Sirocco, le Simoun, l’Harmattan, le Khamsin soufflent les sables du Sahara sur les dunes de notre imaginaire. L’Amérique a son Blizzard et son Chinook surgissant des Rocheuses, ou son Squamish qui déferle violemment l’hiver dans les fjords du Pacifique Nord. L’Inde de temps immémorial est réglée par la Mousson, ce régime de vents qui soufflent vers la mer en hiver et vers la terre en été. Les Hindous nomment Varuna leur dieu du vent. Chez les Nippons, c’est Kamikaze le vent divin terrible ou protecteur. L’Europe aussi abonde en noms de vents connus par leur petit nom. Les Alpes ont leur Foehn sec et chaud. La France cultive les noms de vents évocateurs: Bise et Aquilon, Mistral et Tramontane, Noroît et Suroît, vent du midi et vent d’autan, des vents salubres et des vents qui rendent fous. C’est ainsi que forces naturelles étaient incarnées par des entités surnaturelles.
Longtemps, la puissance et les changements de l’air en mouvement, les vents favorables comme les tempêtes, ont été incarnées par des entités surnaturelles. Les Grecs les attribuaient au dieu Eole, au titan Typhon ou au génie Zéphyr. Puis au IIIe siècle avant J.-C. Aristote écrit son traité “Les Météorologiques” et pose les prémisses de la météorologie.
Avant que leurs philosophes questionnent les phénomènes naturels, les Grecs se contentaient des explications de la mythologie délivrées par leurs rhapsodes inspirés par les Muses. C’était Éole, le gardien des vents qui tenait enfermé dans les grottes des îles éoliennes quatre génies ailés turbulents et volages, attachés aux quatre saisons, soufflant dans les quatre directions de l’univers sur ordre de Zeus.
À l’Ouest au printemps, soupirait le léger Zéphyr, celui qui nous a donné le Zef qui nous rafraichit encore. Au Nord soufflait le froid Borée, fils d’Éos, l’Aurore, qui nous a légué ses aurores boréales, et à l’Est son frère Euros venu d’Asie avec ses tempêtes d’automne, qu’on représentait échevelé.
Du Sud enfin venait Notos, vent chaud et orageux au vase chargé d’eau qui apportait la pluie. Les anciens Grecs connaissaient des vents saisonniers amicaux… et des vents maléfiques de tempêtes. Le roi de ces vents funestes était Typhon, Titan monstrueux, fils de Gaia et de Tartare, élevé à Delphes par le serpent Python, incarné par un vent ravageur à la colère irrépressible. Sa tête touchait les étoiles, ses yeux lançaient des flammes de l’Orient à l’Occident, au bout de ses bras il avait cent têtes de dragons, et le corps entouré de vipères. Typhon attaqua les Olympiens qui s’enfuirent tous sauf Athéna et Zeus. Un combat eut lieu: Typhon réussit à couper les muscles et les tendons de Zeus qu’il ligota dans une peau d’ours et réduisit à l’impuissance. Hermès et Pan parvinrent à libérer le roi des dieux qui finira par enfermer Typhon dans le volcan de l’Etna où il s’agite toujours.
Les Grecs attribuaient à Typhon et à Echidna, sa sœur et sa compagne mi-femme, mi-serpent, une descendance des pires monstres qui peuplaient leur imaginaire, comme le chien Cerbère gardien des enfers, ou l’Hydre de Lerne aux multiples gueules qui fit travailler Héraclès, et Chimère, monstre femelle à tête de lionne et queue de serpent. Du grec antique nous est encore venu Cyclone, Kuklos, le cercle, devenu Ouragan en Amérique, d’après Huruacan le nom donné à ce vent dévastateur par les Indiens Tainos des Caraïbes, adopté dès le XVIe siècle par les Conquistadors espagnols. Bien des peuples baptisèrent leurs vents locaux de noms poétiques. Les vents du désert secs et brûlants, le Chergui, le Sirocco, le Simoun, l’Harmattan, le Khamsin soufflent les sables du Sahara sur les dunes de notre imaginaire. L’Amérique a son Blizzard et son Chinook surgissant des Rocheuses, ou son Squamish qui déferle violemment l’hiver dans les fjords du Pacifique Nord. L’Inde de temps immémorial est réglée par la Mousson, ce régime de vents qui soufflent vers la mer en hiver et vers la terre en été. Les Hindous nomment Varuna leur dieu du vent. Chez les Nippons, c’est Kamikaze le vent divin terrible ou protecteur. L’Europe aussi abonde en noms de vents connus par leur petit nom. Les Alpes ont leur Foehn sec et chaud. La France cultive les noms de vents évocateurs: Bise et Aquilon, Mistral et Tramontane, Noroît et Suroît, vent du midi et vent d’autan, des vents salubres et des vents qui rendent fous. C’est ainsi que forces naturelles étaient incarnées par des entités surnaturelles.
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Les Hindous nomment “Varuna” leur dieu du vent. Chez les Nippons, c’est “Kamikaze” le vent divin terrible ou protecteur.
Les Hindous nomment “Varuna” leur dieu du vent. Chez les Nippons, c’est “Kamikaze” le vent divin terrible ou protecteur.
Les marins et l’invention de la météorologie.
Au Ve siècle avant J.-C. qu’apparût une pensée proto-scientifique fondatrice de la nôtre, le siècle de Périclès qualifié de “miracle grec” par Ernest Renan. Pythagore, Thalès, Hippocrate, Démocrite, Archimède, Hipparque, Ptolémée, Eratosthène, Euclide... Ces savants initièrent notre “enquête sur la nature”, dans la confrontation bouillonnante des points de vue des différentes Écoles philosophiques d’Athènes comme l’Académie de Platon, le Lycée d’Aristote ou le Jardin fondé par Épicure.
C’est ainsi que naquit la météorologie. À l’origine, les connaissances des Anciens concernant leur environnement étaient dues aux marins ou aux paysans, à leurs observations empiriques et à leur mémoire. Car les Grecs sont un peuple de marins, ils explorèrent toute la Méditerranée, et firent d’Ulysse leur héros archétypal, On sait depuis longtemps qu’ils voguèrent aussi au-delà des colonnes d’Hercule (Détroit de Gibraltar) dans l’Atlantique, et sur la mer Rouge et l’océan Indien. Deux Grecs Massaliottes (Marseillais) accomplirent deux fameux voyages maritimes que nous avons gardé en mémoire: Euthymènes qui longea les côtes d’Afrique jusqu’au fleuve Sénégal, précéda le fameux Périple de Pythéas (vers 325 avant J.-C.) qui conduisit ce savant marin dans les mers du Nord de l’Europe. Sa narration disparue dans l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie, restituée par divers auteurs antiques, abonde en observations et indications chiffrées d’une richesse inouïe pour la géographie antique.
Pythéas est le premier auteur de l’Antiquité à avoir déterminé la place du pôle, à avoir décrit le phénomène des marées, inconnu des peuples méditerranéens, et suggéré la lune comme leur cause. Le Grec est aussi le premier à décrire le soleil de minuit et la banquise, ainsi que le mode de vie des populations des rives de la Grande-Bretagne, de l’Irlande et des peuples germaniques de la mer du Nord et de la Baltique d’où il rapporta une cargaison d’ambre (elektron).
Un autre périple des anciens marins Grecs, celui de la mer Erythrée, daté entre le IIIe et le Ier siècle, décrit la route maritime qui conduisait à travers la mer Rouge à la côte orientale d’Afrique et à l’Inde. Ce périple desservait le commerce de l’ivoire, des épices, de la soie, de l’indigo, des turquoises, lapis-lazuli, topazes, et divers graines, abricotier, cerisier, aubergine qui enrichit le monde gréco-romain. Un récit de l’époque retranscrit dans un manuscrit byzantin du Xe siècle nous est parvenu, qui témoigne des connaissances géographiques du monde antique de ces régions qui bordent l’océan Indien, incluant la description du golfe Persique en partant de l’île de Dioscoride (aujourd’hui Socotra) au large de la péninsule arabique.
Aristote étudie les vents, l’éclair, la foudre, les trombes, la neige, la grêle, l’arc en ciel.
Au IIIe siècle avant J.-C. Aristote écrit son traité Météorologiques qui
fonde l’étude organisée des phénomènes climatiques comme les vents,
l’éclair, la foudre, les trombes, la neige, la grêle, l’arc en ciel. Pour la première fois, le philosophe répond logiquement au questionnement des hommes sur leur environnement par l’observation, la déduction et le calcul. À sa suite, les stoïciens en déclarant que chaque événement a une cause, que chaque cause dépend d’une cause précédente, posèrent la condition préalable à une conception scientifique de l’univers. Pour le savoir philosophique émergeant, l’un des enjeux de la météorologie, concernait la possibilité d’expliquer certains phénomènes comme la foudre, les tremblements de terre, les tsunamis, de manière naturelle, et non comme l’effet d’une punition divine ou d’une manne céleste. Une conception qui régna dans les sciences médiévales jusqu’à Descartes... ■
Les marins et l’invention de la météorologie.
Au Ve siècle avant J.-C. qu’apparût une pensée proto-scientifique fondatrice de la nôtre, le siècle de Périclès qualifié de “miracle grec” par Ernest Renan. Pythagore, Thalès, Hippocrate, Démocrite, Archimède, Hipparque, Ptolémée, Eratosthène, Euclide... Ces savants initièrent notre “enquête sur la nature”, dans la confrontation bouillonnante des points de vue des différentes Écoles philosophiques d’Athènes comme l’Académie de Platon, le Lycée d’Aristote ou le Jardin fondé par Épicure.
C’est ainsi que naquit la météorologie. À l’origine, les connaissances des Anciens concernant leur environnement étaient dues aux marins ou aux paysans, à leurs observations empiriques et à leur mémoire. Car les Grecs sont un peuple de marins, ils explorèrent toute la Méditerranée, et firent d’Ulysse leur héros archétypal, On sait depuis longtemps qu’ils voguèrent aussi au-delà des colonnes d’Hercule (Détroit de Gibraltar) dans l’Atlantique, et sur la mer Rouge et l’océan Indien. Deux Grecs Massaliottes (Marseillais) accomplirent deux fameux voyages maritimes que nous avons gardé en mémoire: Euthymènes qui longea les côtes d’Afrique jusqu’au fleuve Sénégal, précéda le fameux Périple de Pythéas (vers 325 avant J.-C.) qui conduisit ce savant marin dans les mers du Nord de l’Europe. Sa narration disparue dans l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie, restituée par divers auteurs antiques, abonde en observations et indications chiffrées d’une richesse inouïe pour la géographie antique.
Pythéas est le premier auteur de l’Antiquité à avoir déterminé la place du pôle, à avoir décrit le phénomène des marées, inconnu des peuples méditerranéens, et suggéré la lune comme leur cause. Le Grec est aussi le premier à décrire le soleil de minuit et la banquise, ainsi que le mode de vie des populations des rives de la Grande-Bretagne, de l’Irlande et des peuples germaniques de la mer du Nord et de la Baltique d’où il rapporta une cargaison d’ambre (elektron).
Un autre périple des anciens marins Grecs, celui de la mer Erythrée, daté entre le IIIe et le Ier siècle, décrit la route maritime qui conduisait à travers la mer Rouge à la côte orientale d’Afrique et à l’Inde. Ce périple desservait le commerce de l’ivoire, des épices, de la soie, de l’indigo, des turquoises, lapis-lazuli, topazes, et divers graines, abricotier, cerisier, aubergine qui enrichit le monde gréco-romain. Un récit de l’époque retranscrit dans un manuscrit byzantin du Xe siècle nous est parvenu, qui témoigne des connaissances géographiques du monde antique de ces régions qui bordent l’océan Indien, incluant la description du golfe Persique en partant de l’île de Dioscoride (aujourd’hui Socotra) au large de la péninsule arabique.
Aristote étudie les vents, l’éclair, la foudre, les trombes, la neige, la grêle, l’arc en ciel.
Au IIIe siècle avant J.-C. Aristote écrit son traité Météorologiques qui fonde l’étude organisée des phénomènes climatiques comme les vents, l’éclair, la foudre, les trombes, la neige, la grêle, l’arc en ciel. Pour la première fois, le philosophe répond logiquement au questionnement des hommes sur leur environnement par l’observation, la déduction et le calcul. À sa suite, les stoïciens en déclarant que chaque événement a une cause, que chaque cause dépend d’une cause précédente, posèrent la condition préalable à une conception scientifique de l’univers. Pour le savoir philosophique émergeant, l’un des enjeux de la météorologie, concernait la possibilité d’expliquer certains phénomènes comme la foudre, les tremblements de terre, les tsunamis, de manière naturelle, et non comme l’effet d’une punition divine ou d’une manne céleste. Une conception qui régna dans les sciences médiévales jusqu’à Descartes... ■
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Patrick Deval est cinéaste, ethnologue. Dernier ouvrage: Squaws (éditions Hoëbeke).
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