© NASA.
La vieille règle de l’Ouest sauvage s’appliquera dans l’espace: “premier arrivé, premier servi.”
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Le 3 décembre 2017, la “super-Lune” n’a pas déçu: des milliers de photographes amateurs l’ont saisie à son périgée – elle était à 357 492 km de la Terre. Mais, soyons honnêtes, nous ne jetons pas que des regards poétiques sur l’astre nocturne. Nous cherchons aussi à exploiter ses ressources. Si Johann-Dietrich Wörner, – le directeur de l’Agence spatiale européenne (ESA) – déclarait en mars 2016 qu’il serait “intéressant” d’installer un “village lunaire”, c’est notamment dans l’idée d’y réaliser des forages miniers.
Mais il n’y a pas que la Lune qui possèdent des ressources minières. Les nombreux astéroïdes géocroiseurs, dont l’orbite croise celle de la Terre, contiennent pour certains des métaux rares comme le platine, des silicates, mais aussi du fer et du nickel. Un astéroïde d’un diamètre d’ 1 km peut ainsi contenir jusqu’à 2 milliards de tonnes de fer et de nickel. La NASA estime qu’il existe aujourd’hui 1500 astéroïdes accessibles possédant des richesses exploitables. À ce jour, les budgets publics étaient aujourd’hui insuffisants pour en tirer profit. Ce sont donc les grandes entreprises privées qui entendent désormais industrialiser la banlieue spatiale terrestre.
Le Space Act américain entend s’approprier les richesses spatiales.
On comprend alors mieux pourquoi le 13 juillet 2017, le Luxembourg, membre de l’ESA, s’est doté d’un nouveau droit “extraterrestre” donnant aux entreprises qui s’installeraient dans le pays la propriété des richesses qu’elles tireront de l’espace. Le duché s’alignait sur le Space Act promulgué en décembre 2015 par Barack Obama, qui octroie les mêmes droits. Depuis, toute société américaine peut s’approprier la richesse qu’elle extrait des astéroïdes, de la Lune ou de Mars. A ce jour, quatre compagnies aérospatiales se sont domiciliées au Luxembourg pour profiter de ces nouveaux droits d’exploitation: les américaines Planetary Resources (où siège notamment le cofondateur de Google Larry Page) et Deep Space Industries, la germano-luxembourgeoise Blue Horizon et la japonaise ISpace.
Tous ces grands projets privés sont-ils compatibles avec le droit de l’espace? Quel est-il? Sa pièce maîtresse est le traité de l’espace de 1967, complété par le traité sur la Lune de 1979. Ils obligent les signataires à l’usage pacifique de l’espace (aucune arme de destruction massive ne doit y être utilisée), interdisent toute nationalisation (la Lune est reconnue comme un “patrimoine commun” de l’humanité), en prohibent l’exploitation privée, qui doit se faire sous l’égide de l’ONU. Alors les Etats-Unis et le Luxembourg bafouent-ils le droit international en accordant ces droits de proprité spatiale? Disons, avec le juriste spécialiste du droit de l’espace, Philippe Achilleas, qu’ils le “contournent”...
Droit de l’espace, droit de la mer.
Comment procèdent-ils? Ecoutons Sagi Kfir, un avocat de Deep Space Industries, qui affirme préparer “un avenir illimité pour toute l’humanité” grâce à “ la mise en valeur” de l’espace. Il est formel: “Oui, l’exploitation minière de l’espace est légale.” Pour lui, le Space Act américain interdit certes à un Etat de prendre possession des objets extra-terrestres, mais il autorise une entreprise à en extraire les ressources. En cela, il s’inspire du droit de la mer: “Tout comme les chalutiers pêchant en mer, assure-t-il, les pêcheurs ont le droit de garder le poisson qu’ils capturent, mais n’ont aucun droit de propriété sur la mer elle-même.”
Ces arguments sont très critiqués, tant par certains juristes que par plusieurs pays en voie de développement. En effet, si on reste en termes de droit de la mer, beaucoup comparent l’espace proche avec la haute mer et les fonds marins, considérés comme un patrimoine commun en dépit des agressions industrielles qu’ils subissent: il devrait donc être exploité sous surveillance internationale. Et si l’on parle de droit de propriété, difficile de dire qu’une nation n’accapare pas un corps céleste quand des “nationaux” prennent possession de ses ressources. Disons que c’est plutôt la vieille règle de l’Ouest sauvage qui s’appliquera: “premier arrivé, premier servi.”
Enfin, si l’on considère les problèmes d’environnement, les risques encourus du fait de l’exploitation minière des astéroïdes géocroiseurs inquiètent déjà: les débris spatiaux rejetés vont en effet venir s’ajouter aux dizaines de milliers qui tournent déjà en orbite autour de la Terre, avec les risques de prolifération exponentielle repéré par l’astrophysicien Donald Kessler, qui menacent à moyen terme toute l’activité spatiale – recherche, satellite, exploration, conquête de la Lune et de Mars... Et bientôt nous dirons avec le regretté Coluche: “La Lune est habitée. La preuve, c’est allumé tous les soirs.” ■
La rédaction de Ravages.
Le 3 décembre 2017, la “super-Lune” n’a pas déçu: des milliers de photographes amateurs l’ont saisie à son périgée – elle était à 357 492 km de la Terre. Mais, soyons honnêtes, nous ne jetons pas que des regards poétiques sur l’astre nocturne. Nous cherchons aussi à exploiter ses ressources. Si Johann-Dietrich Wörner, – le directeur de l’Agence spatiale européenne (ESA) – déclarait en mars 2016 qu’il serait “intéressant” d’installer un “village lunaire”, c’est notamment dans l’idée d’y réaliser des forages miniers.
Mais il n’y a pas que la Lune qui possèdent des ressources minières. Les nombreux astéroïdes géocroiseurs, dont l’orbite croise celle de la Terre, contiennent pour certains des métaux rares comme le platine, des silicates, mais aussi du fer et du nickel. Un astéroïde d’un diamètre d’ 1 km peut ainsi contenir jusqu’à 2 milliards de tonnes de fer et de nickel. La NASA estime qu’il existe aujourd’hui 1500 astéroïdes accessibles possédant des richesses exploitables. À ce jour, les budgets publics étaient aujourd’hui insuffisants pour en tirer profit. Ce sont donc les grandes entreprises privées qui entendent désormais industrialiser la banlieue spatiale terrestre.
Le Space Act américain entend s’approprier les richesses spatiales.
On comprend alors mieux pourquoi le 13 juillet 2017, le Luxembourg, membre de l’ESA, s’est doté d’un nouveau droit “extraterrestre” donnant aux entreprises qui s’installeraient dans le pays la propriété des richesses qu’elles tireront de l’espace. Le duché s’alignait sur le Space Act promulgué en décembre 2015 par Barack Obama, qui octroie les mêmes droits. Depuis, toute société américaine peut s’approprier la richesse qu’elle extrait des astéroïdes, de la Lune ou de Mars. A ce jour, quatre compagnies aérospatiales se sont domiciliées au Luxembourg pour profiter de ces nouveaux droits d’exploitation: les américaines Planetary Resources (où siège notamment le cofondateur de Google Larry Page) et Deep Space Industries, la germano-luxembourgeoise Blue Horizon et la japonaise ISpace.
Tous ces grands projets privés sont-ils compatibles avec le droit de l’espace? Quel est-il? Sa pièce maîtresse est le traité de l’espace de 1967, complété par le traité sur la Lune de 1979. Ils obligent les signataires à l’usage pacifique de l’espace (aucune arme de destruction massive ne doit y être utilisée), interdisent toute nationalisation (la Lune est reconnue comme un “patrimoine commun” de l’humanité), en prohibent l’exploitation privée, qui doit se faire sous l’égide de l’ONU. Alors les Etats-Unis et le Luxembourg bafouent-ils le droit international en accordant ces droits de proprité spatiale? Disons, avec le juriste spécialiste du droit de l’espace, Philippe Achilleas, qu’ils le “contournent”...
Droit de l’espace, droit de la mer.
Comment procèdent-ils? Ecoutons Sagi Kfir, un avocat de Deep Space Industries, qui affirme préparer “un avenir illimité pour toute l’humanité” grâce à “ la mise en valeur” de l’espace. Il est formel: “Oui, l’exploitation minière de l’espace est légale.” Pour lui, le Space Act américain interdit certes à un Etat de prendre possession des objets extra-terrestres, mais il autorise une entreprise à en extraire les ressources. En cela, il s’inspire du droit de la mer: “Tout comme les chalutiers pêchant en mer, assure-t-il, les pêcheurs ont le droit de garder le poisson qu’ils capturent, mais n’ont aucun droit de propriété sur la mer elle-même.”
Ces arguments sont très critiqués, tant par certains juristes que par plusieurs pays en voie de développement. En effet, si on reste en termes de droit de la mer, beaucoup comparent l’espace proche avec la haute mer et les fonds marins, considérés comme un patrimoine commun en dépit des agressions industrielles qu’ils subissent: il devrait donc être exploité sous surveillance internationale. Et si l’on parle de droit de propriété, difficile de dire qu’une nation n’accapare pas un corps céleste quand des “nationaux” prennent possession de ses ressources. Disons que c’est plutôt la vieille règle de l’Ouest sauvage qui s’appliquera: “premier arrivé, premier servi.”
Enfin, si l’on considère les problèmes d’environnement, les risques encourus du fait de l’exploitation minière des astéroïdes géocroiseurs inquiètent déjà: les débris spatiaux rejetés vont en effet venir s’ajouter aux dizaines de milliers qui tournent déjà en orbite autour de la Terre, avec les risques de prolifération exponentielle repéré par l’astrophysicien Donald Kessler, qui menacent à moyen terme toute l’activité spatiale – recherche, satellite, exploration, conquête de la Lune et de Mars... Et bientôt nous dirons avec le regretté Coluche: “La Lune est habitée. La preuve, c’est allumé tous les soirs.” ■
La rédaction de Ravages.
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